Le sujet des salaires reste encore particulièrement tabou en France, mais les dernières études bousculent les entreprises et incitent à une mise en lumière du sujet pour répondre à l’insatisfaction des salariés.

En effet, près d’un Français sur deux est mécontent de sa rémunération confirme une étude ADP de 2018. La justice salariale est la cause essentielle au maintien de la motivation :

Une méta-étude portant sur le lien satisfaction et travail explique que pour évaluer s’ils sont satisfaits de leur rémunération, les salariés ne considèrent pas combien ils sont payés, mais plutôt comment leur paie se compare avec celle de leur entourage.

Cette prise de conscience conduit de nombreuses entreprises à vouloir remettre à plat la définition des salaires en permettant notamment aux employés de comprendre comment ils sont déterminés.

Pourtant, le manque d’exemples et de documentation est un véritable obstacle qui freine les passages à l’acte vers une politique de rémunération claire et transparente.

Profitant de nos recherches en la matière, nous souhaitions vous proposer un tour d’horizon des politiques de rémunération existantes en vous présentant les avantages et inconvénients que nous leur avons trouvés.

Nous avons répertorié 3 grandes catégories de politiques salariales (hors augmentation automatique légale ou conventionnelle) que nous traiterons en 3 articles indépendants : La décision salariale encadrée par une formule objective (épisode 3), la décision salariale aux mains des salariés (épisode 2) et pour ce premier épisode, la décision salariale aux mains des managers

Épisode 1 : La décision salariale aux mains des managers

Cette méthode historique découle du rapport de force entre l’offre et la demande d’emploi. L’employeur négocie les salaires avec ses employés individuellement. La force syndicale intervient à la marge pour rééquilibrer la relation de pouvoir, souvent défavorable aux salariés, par la mise en place notamment des salaires minimums conventionnels.

En pratique, le mode de fonctionnement est assez simple : un budget global est élaboré, généralement annuellement. Selon les modes d’organisation, il peut être réparti entre les départements, les directions avec plus ou moins de précision : budget recrutement, budget masse salariale annuelle avec augmentations incluses, enveloppe d’augmentation accordée pour les entretiens annuels, etc.

Ce budget est le cadre dans lequel le management peut ensuite librement déterminer les salaires en fonction des demandes et de ses besoins.

La recherche de cohérence des salaires au sein d’une population est en général laissée entre les mains des managers et/ou des RH qui essaient d’éviter les trop grandes disparités entre salariés en situation similaire. Mais le désir de cohérence passe après le besoin de flexibilité.

La méthode est forte des avantages suivants :

  • La flexibilité laissée à la négociation. En dehors de contraintes financières, rien ne freine les demandes des salariés ou des candidats au recrutement talentueux.
  • La facilité de la méthode : pas de règles à respecter en dehors du budget.
  • L’individualisation des réponses. Lorsqu'elle est en faveur d'un salarié, l'augmentation peut être une réelle source de reconnaissance au travail (tout le contraire des augmentations automatiques ou collectives). Les 2 principales raisons d’insatisfaction ou de démotivation sont la rémunération trop faible (25%) et le manque de reconnaissance (22%) (enquête TNS/SOFRES/ITG 2013). Cette méthode agissant sur les 2 causes peut donc être une véritable source de motivation individuelle.
  • Le respect de la vie privée ; argument souvent mis en avant en France.

Des inconvénients peuvent néanmoins venir détériorer l’ambiance de travail :

  • Le décalage avec le marché du travail. Combien de temps faudra-t-il encore entendre « pour obtenir une véritable hausse de salaire, il faut changer de boite » ? Les salaires sont évalués au cas par cas sans mise en perspective avec la concurrence. Au fil des années le décalage se creuse trop fortement et il devient très compliqué pour les entreprises de fidéliser les bons employés. Les nouveaux entrent avec un salaire supérieur mais difficile d’un point de vue financier d’aligner les autres.
  • La faveur donnée au bon négociateur. Le niveau de salaire suit d’avantage les qualités de négociation du collaborateur que ses qualités professionnelles. Les nombreux tutoriels sur YouTube l’encourage et les « Talents Bon Négociateurs » ne s’y trompent pas, ils n’hésitent pas à demander toujours plus pour voir si ça passe !
  • La circulation de fausses informations. Le secret des salaires n’est jamais absolu (l’un va faire traîner son bulletin de salaire, l’autre va se vanter de sa négociation, etc.), les exagérations et rumeurs se répandent vite. L’objectivité et la crédibilité du manager peuvent fortement en souffrir (rumeurs de copinage voire de corruption) ; l’ambiance de travail se tend.
  • La démotivation due au sentiment d’injustice, jalousies et frustrations. Nous l’avons vu plus haut, la comparaison à l’autre avec un traitement inéquitable et un salaire jugé trop bas sont des facteurs essentiels de démotivation.
  • Une baisse de productivité en période d’évaluation. Le temps accordé à la négociation peut devenir substantielle entre les salariés qui vont chercher des conseils et élaborer leur stratégie de négociation. Les managers qui doivent s’y préparer, réévaluer leur proposition et négocier avec la direction des moyens supplémentaire pour « récupérer » un talent déçu.
  • Le turnover en augmentation. L’absence de visibilité et de compréhension du système des augmentations contribue aux causes classiques du turnover : augmentation accordée en dessous des espérances, manque de reconnaissance au travail et perspectives de carrière floues. Alléchés par les offres de cabinet de chasse qui connaissent très bien les périodes d’entretiens annuels, les meilleurs partent les premiers !

Ces inconvénients peuvent conduire certains employeurs à chercher des solutions alternatives.

Aussi à cet extrême du Top down, nous rencontrons les cas où le management n’intervient pas ou peu et où les salariés prennent le relais. Nous étudierons cette méthode dans l’épisode 2.


La meilleure politique salariale ?

Épisode 1 : La décision salariale aux mains des managers

Épisode 2 : Les salariés fixent eux même leur salaire

Épisode 3 : La décision salariale encadrée par une formule objective